Au mois de juillet 2015, plusieurs familles présentes en France depuis de nombreuses années, et dont les enfants sont scolarisés sur Limoges et ses environs, ont reçu des Obligations de Quitter le Territoire Français.
Des mobilisations citoyennes importantes, notamment à Châlus au mois d’août, ont permis de repousser l’échéance.
La Préfecture a relancé les procédures, et certaines personnes doivent se rendre quotidiennement au Commissariat ou à la gendarmerie, dans le cadre de leur assignation à résidence. Nous parlons ici de personnes souhaitant travailler, mais dont les titres de séjour les en empêchent, de parents dont les enfants ont accompli la plus grande partie (voire la totalité) de leur scolarité en français et qui, si la décision de la Préfecture devenait réalité, interrompraient brutalement celle-ci pour aller dans des pays qu’ils ne connaissent pas.
L’association des Sans-Papiers, le MRAP, la MDH, la LDH interpellent le nouveau Préfet dans le courrier joint, pour lui demander de prendre une décision humaine sur ces situations, décision qui permettrait à ces personnes et à leurs enfants, d’avoir la vie digne à laquelle ils aspirent.
Des parents d’élèves et des citoyens, soutenus par l’Association des sans-papiers, ont décidé de se mobiliser pour que ces familles trouvent une solution favorable et équitable à leur demande de rester sur le territoire français pour y vivre et élever leurs enfants.
Un premier rendez-vous vous est donc donné, mercredi 20 janvier à partir de 11h30 devant l’école du Vigenal pour faire entendre notre voix jusqu’à la Préfecture !
Monsieur le Préfet,
Plusieurs associations et syndicats se sont mobilisés depuis le printemps 2015 pour soutenir de nombreuses familles installées à Limoges depuis quelques années, ayant des enfants scolarisés depuis plus de trois ans, et frappées d’Obligations de Quitter le Territoire Français. Nous sommes particulièrement inquiets pour les enfants qui sont l’objet principal de notre requête.
En effet, plusieurs d’entre eux sont nés ici. Certains sont scolarisés en classe de Maternelle, d’autres à l’École Primaire, et les aînés sont déjà au Collège. Or, nous sommes informés que de nombreux spécialistes ont mené des travaux à propos du traumatisme psychique provoqué par de telles ruptures chez les enfants et les adolescents, et des troubles de développement et de personnalité causés par cette atteinte.
Il s’agit jusqu’à présent de familles algériennes mais également originaires d’autres pays, or il est connu qu’en Algérie la politique d’arabisation de l’Éducation Nationale, telle que définie dans le Bulletin du Journal Officiel du 27 janvier 2008, implique que ces enfants, parfaitement francophones, vont se voir plongés dans un système scolaire où l’intégralité de l’enseignement se déroule en arabe littéraire, cette forme savante de la langue arabe qui n’est pas utilisée dans les familles. Les classes de mise à niveau, lorsqu’elles existent, sont encore très peu adaptées aux besoins. Des spécialistes de l’enseignement du Français Langue Étrangère et des Sciences de l’Éducation ont bien voulu nous remettre quelques notes documentées à propos de ces aspects psychique et linguistique.
Nous avons organisé plusieurs rassemblements de soutien, des pétitions ont été signées dans les écoles avec le soutien des enseignants et des parents d’élèves, des délégations ont été reçues par la préfecture à plusieurs reprises au cours desquelles nous avons remis ces documents.
La Convention Internationale des Droits de l’Enfant et les dispositions de la Cour Européenne des Droits de l’Homme en faveur de «l’intérêt hautement supérieur des enfants» ont constitué les bases de notre discussion. Nous n’avons cependant obtenu jusqu’à présent aucune réponse, ni l’assurance, bien au contraire, que la situation de ces enfants serait prise en considération, que tout simplement, la Convention Internationale des Droits de l’Enfant signée par notre pays prendrait tout son sens en ces circonstances.
Grâce à un soutien massif d’habitants de la ville de Châlus où réside l’une des familles, il a été demandé à celle-ci de fournir une promesse d’embauche ainsi que la possibilité d’accéder un logement, moyennant quoi il lui serait accordé un titre de séjour d’un an. Malheureusement les démarches effectuées par ce père de famille ne peuvent aboutir à la concrétisation d’un contrat, celui-ci n’ayant pas de récépissé avec « autorisation de travail », donc pas de possibilité d’inscription à Pôle Emploi. Le fait de pouvoir travailler et ainsi d’être rémunéré lui permettrait de libérer l’hébergement d’urgence qu’il occupe actuellement, d’autres familles sont dans une situation similaire.
L’une d’entre elle a fait l’objet d’une assignation à résidence, alors que les enfants sont scolarisés depuis la rentrée.
Plusieurs des enfants ont d’excellents résultats scolaires, en dépit de l’extrême précarité que vivent leurs familles. Aucun d’entre eux ne conçoit l’idée de devoir subir ce déracinement et leurs professeurs sont désolés devant ce gâchis à venir.
Aucune de ces personnes n’envisage le retour au pays, pour les raisons évoquées ci-dessus, et parce que ce retour au bout de plusieurs années sera considéré comme un échec et qu’il sera compliqué et difficile d’affronter le regard de leurs compatriotes. Nous les soutiendrons jusqu’au bout dans leurs démarches qui ne sont que le souhait de vouloir offrir à leurs enfants un avenir meilleur, comme l’ont fait bien d’autres familles tout au long de l’Histoire. Aussi n’est il pas humain et raisonnable de leur offrir cette égalité des chances, alors qu’ils ont prouvé qu’ils avaient le désir de devenir des citoyens à part entière, participant à l’économie et à la vie de leur pays d’accueil ? Ces enfants ne risquent ils pas de devenir de jeunes adultes aigris et dépités par la manière dont sont considérés leurs parents avec pour conséquence d’entraîner certaines dérives dans leur comportement ?
Malgré les prises de positions récentes du gouvernement qui font suite au désastreux événement de novembre dernier, nous conservons un certain espoir que les élus français travaillent à ce que l’Administration procède à l’avenir de façon différente et plus humaine, que les textes fondateurs soient respectés, qu’aucun être ne soit traité comme inférieur ou mis en situation de l’être dans notre pays. L’intéressante motion votée par le Conseil Municipal de TULLE le 16 juin 2015 montre que certains d’entre eux ont conscience de l’inhumanité du système actuel et souhaitent se diriger vers autre chose.
Si nous faisons spécifiquement appel à vous (tenant compte que nos échanges avec vos services sont globalement bons), c’est d’une part pour vous alerter de ce qui nous semble être l’injustice d’un traitement « au cas par cas » de situations similaires, qui concernent des familles vivant depuis de trop nombreuses années dans la crainte, alors qu’elles aspirent et trouvent enfin, notamment par la scolarisation des enfants, une vie digne. Et c’est, d’autre part, parce que nous souhaitons que votre très récente prise de poste entraîne une attention bienveillante et particulière pour l’octroi de titres de séjour aux familles concernées ; titres qui permettent, entre autres, à leurs enfants d’avoir une scolarité sereine.
Avec nos remerciements pour l’attention que vous saurez consacrer à ce courrier, et restant à votre disposition pour toute rencontre avec vous, nous vous prions d’agréer, Monsieur le Préfet, l’expression de notre respectueuse considération.